Salicorne: les récoltants sont amers

Les professionnels qui vivent de la vente de cette plante comestible attendent toujours l'autorisation préfectorale annuelle. Mais une association environnementale fait barrage.
Photo Tangi Loisel/Ouest-France


« Goûtez-la, elle est délicieuse en ce moment. » Pas mauvais en effet, cette plante amère qu'Alain Boulot vient tout juste de ramasser sur un pré-salé de la pointe d'Agon. Il s'agit de la salicorne, un produit sauvage consommé en salade ou en condiment. Et qui est le gagne-pain de ce récoltant professionnel.





Sauf que cette année, Alain Boulot et sa quarantaine de confrères du département ne sont toujours pas autorisés à travailler. Ils commencent pourtant habituellement le 1er juin. Mais la préfecture se fait attendre pour délivrer les précieux documents officiels. « Ma plus grande colère, c'est qu'on n'a aucune nouvelle », s'énerve Alain Boulot.

40 % du chiffre d'affaires

Il a de quoi être inquiet : la salicorne, c'est 40 % de son chiffre d'affaires, soient 8 000 à 12 000 € bruts par an. Au total, près de 100 tonnes sont récoltées dans le département. « Si on ne travaille pas cette année, c'est l'intégralité de nos bénéfices qui part en fumée », explique ce pêcheur à pied professionnel qui récolte aussi des coques et un peu de palourdes.
Problème : les arrêtés préfectoraux relatifs à cette activité ont été cassés par le tribunal administratif, le 9 avril dernier. Impossible donc de délivrer des autorisations.
C'est l'oeuvre de l'association pour la protection de l'environnement, Manche Nature, qui voit d'un mauvais oeil le ramassage professionnel de la salicorne. « Nous sommes contre son exploitation industrielle et intensive, explique Yves Grall, le président de l'association. Des habitants de la pointe d'Agon nous ont alertés ces dernières années lorsqu'ils ont vu des véhicules à moteur sur les prés-salés et pilotés par des récoltants. »

« Disparition d'espèces »

Dans son collimateur notamment, des individus de la Baie de Somme qui viendraient selon lui régulièrement. « Ils utilisent des faux qui détruisent tout, selon Yves Grall. Quand une récolte devient intensive, ça ne colle plus. Ça crée les mêmes problèmes que pour les champignons en forêt, avec la disparition d'espèces. »
Un argument réfuté par Alain Boulot : « Notre travail permet au contraire à la salicorne de survivre, argumente ce biologiste de formation. Car c'est une plante qui demande beaucoup d'entretien. Sans nous, elle serait étouffée par la soude. »
La balle est donc dans le camp de la préfecture. Sollicitée à plusieurs reprises, elle n'a pas été en mesure de répondre à nos questions. Mais elle joue la carte de la concertation. Elle organise une réunion entre les différentes parties la semaine prochaine.

TangLOISEL./Ouest-France

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